L’URSSAF, percepteur de 534 milliards d’euros par an, réalise son satisfecit annuel.

L’Acoss, qui regroupe l’ensemble des URSSAF de France, a publié fin juillet le bilan de l’année 2019. Ces organismes se positionnent comme les experts nationaux du recouvrement : ils ont encaissé 534,4 milliards d’euros au cours de cette année 2019.

Un montant bien supérieur au budget de l’Etat (qui, lui, est bien modestement de 393 milliards d’euros). Ces 534,4 Mds d’euros ont été perçus auprès de 9,8 millions de comptes cotisants, notamment les entreprises.

Les URSSAF sont bien connues pour exercer des contrôles auprès des entreprises, dont 7 sur 10 donnent lieu à un redressement. Mais, dit l’Acoss dans on rapport, cela se passe dans « un climat de confiance et d’échanges constructifs avec l’inspecteur des URSSAF ». C’est en tous les cas ce que disent 88 % des personnes interrogées dans une enquête citée dans ce rapport (qui n’indique pas la méthodologie suivie).

Ce document intègre aussi des témoignages de dirigeants d’entreprises (qui ne donnent, modestement, que leur prénom). Ainsi, on apprend que Marie Claude a trouvé que le contact avec les inspecteurs « était très bon », et que Charlotte ne dit plus « que du bien » de l’URSSAF après avoir été contrôlée. Et Jean, qui souligne « la neutralité, l’écoute, la prise en compte de la situation de l’entreprise » lors d’un contrôle. A lire ces lignes, tout dirigeant d’entreprise ne doit plus espérer qu’une chose : être contrôlé afin de pouvoir bénéficier de cette mansuétude.

Le think tank le Cercle Lafay, qui a pour vocation l’amélioration des relations entre les URSSAF et les entreprises (www.lecerclelafay.fr), aimerait croire ces chiffres et ces témoignages.

Il s’étonne que ce rapport n’ait pas demandé son avis à Arnaud Bloquel, chef étoilé, qui a commis la grande erreur de manger le midi, sur le pouce, dans la cuisine de son restaurant. Un « avantage en nature » qui lui aura valu en 2019 un redressement de 14 000 €.

Gérald Darmanin, alors ministre de tutelle des URSSAF, déplorait leur « manque de discernement »

Aucun écho non plus du redressement de 1 million d’euros opéré en 2019 auprès d’associations caritatives, dont l’Armée du Salut : elles n’avaient commis aucune erreur, mais ont eu la malchance de travailler avec un sous-traitant indélicat, auquel elles avaient oublié de demander, deux fois par an, une « attestation de vigilance ». Un zèle qualifié par Gérald Darmanin, alors ministre de tutelle des URSSAF, de « manque de discernement ».

De très nombreux tweets agacés de dirigeants ayant subi des contrôles vont aussi à l’encontre des complaisants témoignages publiés dans le rapport annuel des URSSAF.

Dans ce rapport, l’Acoss insiste sur « les principes de transparence, de relation de confiance et de droit à l’erreur ».

Paradoxalement, le rapport indique un des axes stratégiques : la lutte contre le travail illégal. En 2019, elle a permis 708 millions d’euros de redressement. « Un chiffre en hausse de près de 10 % par rapport à 2018 », se félicite l’organisme. Qui indique que les montants redressés « doivent augmenter année après année pour atteindre un total cumulé de 3,5 milliards d’euros sur cinq ans ». Le travail illégal est vraiment présenté comme la martingale de l’URSSAF. Le problème est que le travail illégal est, juridiquement, l’outil « attrape-tout » de l’URSSAF.

Des amis qui, une seule fois, aident un artisan coiffeur à ranger sa boutique en fin de journée ; des bénévoles qui aident au festival des Francofolies et qui reçoivent en remerciement un sandwich et un pass pour suivre un concert ;  une femme qui aide ponctuellement son mari à servir au restaurant, voire des clients qui rapportent leur verre après avoir consommé … tout cela entre dans la définition « fourre-tout » du travail illégal, dont la procédure laisse peu de place au droit contradictoire du cotisant.

On est bien loin de la « relation de confiance » et du « droit à l’erreur » brandis comme un étendard.

Dans la vraie vie, les professionnels du droit, et notamment les membres du think tank du Cercle Lafay, n’ont pas connaissance de ce monde idyllique et n’ont de cesse de réclamer de nouvelles relations URSSAF/Entreprises qui développeraient le nécessaire dialogue entre l’inspecteur et l’organisme de recouvrement, augmenteraient les garanties pour les entreprises en cas de redressement et permettraient une sécurité juridique renforcée.

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Le Cercle Lafay (du nom de Bernard Lafay, député qui avait proposé en 1952 la généralisation des URSSAF) regroupe des spécialistes qui s’intéressent à cette institution et en dénoncent les excès.

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